L’Île-du-Prince-Édouard, deuxième rencontre : la suite des choses

Mélanie Béchard
31 octobre, 2025

Margo Goodhand, présidente de la Fondation des Prix Michener

La semaine dernière, la Fondation des Prix Michener (FPM) s’est jointe à la Fondation Rideau Hall (FRH) pour animer, à Charlottetown (Île-du-Prince-Édouard), un colloque sur les nouvelles locales.

On peut qualifier ainsi les discussions : provocantes, inspirantes, controversées et divertissantes, tout à la fois.

Toutefois, comme un de nos invités (environ 80) l’a affirmé en conclusion le 22 octobre, la rencontre dégageait par-dessus tout de l’espoir.

L’espoir n’est pas souvent évoqué par les éditeurs et éditrices de nouvelles locales ces jours-ci. En effet, depuis quinze ans, plus de 500 salles de presse locales ont fermé dans près de 250 collectivités au Canada.

Le monde des nouvelles imprimées peine à trouver des solutions à ses difficultés : baisse constante de la vente de publicités et des abonnements, intensification de la désinformation et de la méfiance envers les médias traditionnels. L’industrie elle-même est tellement ébranlée qu’elle-même n’a pas organisé de conférence nationale des médias depuis plusieurs années.

Jusqu’à l’an dernier.

La FPM et la FRH ont accueilli l’an passé un premier colloque sur les nouvelles locales parce que les deux organismes croient que des écosystèmes de nouvelles en santé sont essentiels au bien-être de nos collectivités et de notre démocratie. Cette rencontre a été l’occasion d’examiner les statistiques sur les conséquences de la disparition des nouvelles locales : à ces endroits, moins de citoyens et citoyennes exercent leur droit de vote, s’engagent dans la collectivité, et se montrent globalement solidaires.

Que pouvons-nous y faire?

L’an dernier, nous avons invité les éditrices et éditeurs indépendants de nouvelles locales (de Haida Gwaii jusqu’à l’Île-du-Prince-Édouard!) à venir échanger de leurs difficultés et défis ensemble et avec des représentants de quelques fondations canadiennes et décideurs.

Ça a été un événement extraordinaire. Plus d’une personne présente a relevé la magie qu’on a pu sentir sur place.

La semaine dernière, lors de la deuxième édition de ce colloque à l’Île-du-Prince-Édouard encore, la magie a encore été au rendez-vous : les responsables des salles de presse ont présenté leurs bonnes pratiques et leurs innovations, et les philanthropes invités ont exprimé leur détermination à combler certains besoins.

En 2024, à la suite du premier colloque, nous nous sommes associés au Forum des politiques publiques (FPP) pour produire un important rapport, Remettre le local au cœur des médias locaux. Celui-ci contenait plusieurs excellentes recommandations. Nous comptons collaborer de nouveau avec le FPP pour rédiger un rapport sur le plus récent colloque.

Nous sentons derechef que les réseaux créés et le savoir échangé à Charlottetown produisent déjà des changements importants et positifs.

Première preuve : un remarquable projet, le fonds Couverture du Canada, lancé par la PDG du FPP, Inez Jabalpurwala, pendant l’élection fédérale du printemps dernier, et où un groupe de fondations canadiennes non partisanes a entrepris d’encourager les idées ambitieuses des petites salles de presse locales de manière à couvrir la campagne fédérale d’un océan à l’autre.

La FRH a d’emblée soutenu et administré le projet, et des membres du conseil d’administration de la FPM ont composé un jury ponctuel pour traiter les demandes provenant de petites salles de presse de partout au pays. Au total, 40 subventions ont été accordées. De remarquables reportages journalistiques en sont ressortis.

Le conseil d’administration de la Fondation des Prix Michener a aimé ce projet audacieux et unique, qui poursuivait le noble objectif de soutenir à la fois les petites salles de presse locales, le journalisme d’intérêt public audacieux et la démocratie canadienne.

Mus par leurs valeurs communes et leur confiance mutuelle, le FPP, la FRH et la FPM ont organisé le projet en quelques jours, sans perdre de vue le but et les principes visés.

Dans l’esprit de Michener, nous souhaitions (comme renoté par un membre de notre conseil d’administration) encourager les petites salles de presse à se montrer ambitieuses, et à raconter des histoires qui ne l’auraient pas été autrement.

Et plusieurs d’entre elles ont surpassé les attentes en ce sens.

David Shok, du journal The Logic, a décrit ce fonds ainsi : « […] l’une des initiatives journalistiques les plus efficaces et respectueuses que j’aie vues […] ». Il a ajouté : « Ça devrait servir de modèle au soutien qu’on donne au journalisme d’intérêt public dans ce pays. »

Il est trop tôt pour dire s’il y aura un troisième colloque ou un autre événement incubateur réunissant la FPM et la FRH, mais nous vous tiendrons au courant.

Ce qui est sûr, c’est que les Prix Michener seront toujours les « prix Pulitzer du Canada » pour l’excellence en journalisme d’intérêt public. Or, cette ambition exige un système de nouvelles locales en santé. Il s’avère difficile, voire impossible, puisque le journalisme local lutte pour survivre, de ne pas remarquer son actuel déclin.

Le conseil d’administration de la Fondation des Prix Michener reconnaît et honore certes le journalisme d’intérêt public depuis plus de 50 ans, mais ces derniers temps, avec ses partenaires de la FRH, il investit en plus beaucoup d’énergie dans un projet bien défini.

On trouve de jeunes espoirs dans de jeunes entreprises numériques, a noté avec joie une personne siégeant à notre conseil en parlant des deux colloques tenus à l Île-du-Prince-Édouard : des salles de presse qui sont la propriété des employés et sont fermement ancrées dans les communautés locales.

Nous devons trouver ces jeunes espoirs et les aider à grandir.