Le journalisme à l’ère numérique: désinformation, discours toxique et confiance qui s’érode

Ksenia Belanger
31 juillet, 2024
De gauche à droite : Madeleine Blais-Morin, Brigitte Noël, Emma McIntosh, Sheila Wang, Gaétan Pouliot, Angela Pacienza et Ian Young.
De gauche à droite : Madeleine Blais-Morin, Brigitte Noël, Emma McIntosh, Sheila Wang, Gaétan Pouliot, Angela Pacienza et Ian Young. Photo : Kamara Morozuk

Pour faire découvrir les perspectives et les expériences uniques des finalistes 2023 des Prix Michener, la Fondation des Prix Michener a organisé le 14 juin dernier une table ronde sur le journalisme à l’ère numérique au Rideau Club.

Le panel rassemblait les finalistes Michener suivants :

Après le mot d’ouverture de Son Excellence Whit Fraser, les panélistes ont réfléchi ensemble au rôle du journalisme devant la désinformation, les discours toxiques et l’érosion de la confiance. La discussion était animée par Madeleine Blais-Morin, membre du CA de la Fondation des Prix Michener et cheffe du bureau parlementaire de Radio-Canada à Ottawa.

Son Excellence Whit Fraser prononçant son discours d’ouverture.
Son Excellence Whit Fraser prononçant son discours d’ouverture.
Photo : Kamara Morozuk

Évoquant son travail de couverture des conspirations canadiennes avant qu’elle planche sur le projet Robert Miller, Brigitte Noël a expliqué comment ses enquêtes ont fait d’elle la cible de tout un écosystème de harcèlement en ligne, allant des attaques personnelles aux vidéos étoffées cherchant à invalider ses travaux. Elle a notamment souligné que les écoles de journalisme traditionnelles ne préparaient pas à cette salve de discours toxiques à laquelle font face les journalistes aujourd’hui.

Dans le même ordre d’idées, Emma McIntosh a parlé de l’hostilité dont elle a fait l’objet de la part de politiciens à la suite de la publication de son enquête et a suggéré qu’un poste soit créé en salle de rédaction pour assurer la sécurité de ses journalistes. Elle a également félicité le Narwhal pour la mise en place de protections numériques pour son équipe. Sheila Wang, une autre journaliste ayant participé au reportage sur le scandale de la ceinture de verdure de l’Ontario, a décrit les difficultés éprouvées pour trouver un équilibre entre la responsabilité de faire enquête et les préoccupations pour sa sûreté lors de la couverture d’événements à haut risque.

Sheila Wang parle de son expérience personnelle comme journaliste d’enquête.
Sheila Wang parle de son expérience personnelle comme journaliste d’enquête.
Photo : Kamara Morozuk

Rebondissant sur les points précédents, Angela Pacienza a souligné les politiques strictes du Globe and Mail en matière de protection de la sécurité individuelle, tout en illustrant les efforts considérables que les salles de rédaction doivent désormais déployer pour assurer la sécurité de leur personnel. En outre, interrogée sur la situation du journalisme face à l’essor de l’IA et de la désinformation, elle a insisté sur la valeur des récits centrés sur l’humain en faisant remarquer que contre l’IA, notre meilleure défense, c’est notre humanité.

Concernant l’érosion de la confiance, Ian Young a parlé du recours aux sources anonymes, une rareté à la Presse canadienne, et de la gestion des sources qui se sentent incapables d’aller voir la police ou qui doivent rester anonymes en raison d’une interdiction par la loi de s’identifier publiquement ou d’un statut d’agent secret. Il a décrit comment Darryl Greer, principal journaliste de l’enquête, a su établir un lien de confiance avec ses sources. Il a également expliqué comme la Presse canadienne construit la confiance avec son public tout en protégeant l’identité de ses sources.

Ian Young explique comment bâtir la confiance pour les sources et le public.
Ian Young explique comment bâtir la confiance pour les sources et le public.
Photo : Kamara Morozuk

Toujours sur la protection des sources, Gaétan Pouliot a fait remarquer que les personnes au cœur d’une enquête journalistique poursuivaient souvent leurs auteurs dans le but de limiter la publication d’informations et de découvrir les sources à l’origine de l’enquête. Il a donné en exemple le processus ardu suivi pour « La face cachée de Neptune », une enquête qui, malgré son intensité, a eu des retombées gratifiantes puisque des employés mêmes de Neptune l’ont personnellement remercié d’avoir levé le voile sur cette affaire qui minait leur vie.

De gauche à droite : Madeleine Blais-Morin, Brigitte Noël, Emma McIntosh, Sheila Wang, Gaétan Pouliot, Angela Pacienza et Ian Young.
De gauche à droite : Madeleine Blais-Morin, Brigitte Noël, Emma McIntosh, Sheila Wang, Gaétan Pouliot, Angela Pacienza et Ian Young.
Photo: Kamara Morozuk

Le panel, qui s’est terminé sur le mot de la fin de la présidente de la Fondation des Prix Michener Margo Goodhand, s’est avéré être une discussion pertinente et révélatrice sur l’état du journalisme canadien aujourd’hui. L’événement, qui a pris place avant la cérémonie officielle de remise des prix Michener à Rideau Hall, a été organisé par la Fondation des Prix Michener en partenariat avec la Fondation Rideau Hall. Pour en savoir plus sur les Prix Michener, cliquez ici. Pour visionner la cérémonie officielle de remise des prix à Rideau Hall, cliquez ici.