Cinquante ans d’excellence journalistique

Kim Kierans
27 avril, 2021
lettres

Tout a commencé par le rêve de créer un nouveau prix prestigieux d’« excellence en journalisme d’intérêt public» — un Prix Pulitzer canadien. Et cette année, la Fondation des Prix Michener célèbre le 50e anniversaire de la plus importante distinction journalistique au pays.

La Fédération des cercles de presse en proposa l’idée en 1967, l’année du centenaire de la Confédération. Elle approcha le gouverneur général d’alors, Roland Michener, afin que le nouveau prix soit placé sous le parrainage vice-royal. Roland Michener acquiesça et la nouvelle distinction prit officiellement son nom.

Son excellence a présidé la première remise du Prix Michener au cours d’une cérémonie spéciale à Rideau Hall en novembre 1971. Le Financial Post et la télévision de CBC ont été les lauréats pour une série réalisée en collaboration, «The Charter Revolution», qui examinait les effets néfastes pour l’industrie du voyage et les consommateurs de la mise en place d’une nouvelle charte sur l’usage de l’espace aérien.

Le producteur et directeur Alan Erlich a accepté ce premier prix au nom de la télévision de CBC. «La seule chose qui me vient à l’esprit c’est mon sourire stupide et les propos de Roland Michener qui m’a dit en me remettant le prix ‘attention, c’est très lourd’, s’est rappelé Alan Elrich quelques années plus tard. «Il avait parfaitement raison. C’était beaucoup plus lourd qu’il ne paraissait.»

Le parrainage de la Couronne, la plus haute fonction au Canada, donne du lustre au prix Michener, mais ce qui est encore plus important pour les journalistes professionnels c’est la reconnaissance de leur rôle essentiel en tant que «gardiens de l’intérêt public» au sein de la société démocratique canadienne.

M. Michener, qui a consacré une grande partie de sa vie au service du public, a joué un rôle enthousiaste au cours des premières années. Il a assisté à toutes les cérémonies annuelles de remise de prix, sauf une, jusqu’à son décès en 1991. Lors d’une entrevue récente, sa fille Diana Michener-Schatz a affirmé que son père avait le journalisme axé sur l’intérêt public à cœur et «voulait le voir continuer et perdurer.»

«Il estimait que cela concernait vraiment l’existence de la liberté de la presse et des journalistes d’une grande énergie et probité», a dit Edward Schreyer, qui fut gouverneur général de 1979 à 1984. «Mais surtout, de continuer à développer des standards journalistiques. C’est la principale raison, je crois, pour laquelle les prix ont été créés.»

Depuis 1970, les comités de sélection indépendants de la Fondation des Prix Michener ont accordé 55 prix Michener et 211 mentions d’honneur et citations au mérite. Les reportages primés ont contribué à apporter des changements significatifs dans les politiques gouvernementales, les lois et les pratiques à tous les échelons des organismes.

Au total, dix gouverneurs généraux ont invité les médias à leur résidence de Rideau Hall tous les ans pour célébrer le journalisme d’enquête d’intérêt public qui dévoile les injustices et malversations.

Les finalistes de l’an dernier, par exemple, ont réalisé des reportages qui ont révélé l’échec des gouvernements des régions nordiques à protéger les jeunes autochtones; les carences des connaissances scientifiques sur les ceintures de sécurité dans les autobus scolaires; les injustices des indemnisations pour les accidentés du travail; des irrégularités en politique municipale; le laxisme concernant les implants médicaux; et les failles fatales d’un système ambulancier.

Les prix nous rappellent à quel point le journalisme est important, a affirmé Wendy Metcalfe, rédactrice en chef de Brunswick News lors de la cérémonie de 2019. «Sans lui, ce serait la culture du secret. Il y aurait peu de vérité, de confiance et de transparence. Sans journalisme, les problèmes systémiques s’aggraveraient. On ne pourrait pas redresser les torts. Le journalisme est source de lumière et de changements.»

En plus des prix Michener, la Fondation Michener finance des bourses annuelles pour soutenir le journalisme d’enquête et les études en journalisme. Des journalistes ont effectué des recherches et publié des reportages d’enquête sur des questions importantes telles que la sécurité de notre système alimentaire et les maladies professionnelles.

Les bourses ont contribué au développement de modules d’enseignement afin de tenir les étudiants et journalistes professionnels au courant des pratiques qui concernent les réseaux sociaux et qui permettent de s’adapter aux traumatismes reliés au travail. En quête de nouveaux modèles de financement, la bourse d’études en journalisme a contribué à la mise en œuvre d’un nouveau programme national de reportage étudiant. Il s’en est suivi la création de l’Institut du journalisme d’enquête de l’Université Concordia, qui est maintenant associé à des étudiants universitaires et des facultés ainsi que des organes de presse à travers le pays pour la réalisation de reportages d’enquête d’envergure nationale.

Après 50 ans, les prix Michener et les bourses sont encore plus essentiels que jamais. «Le journalisme professionnel est fondamental pour savoir comment fonctionne la démocratie et connaître l’état de l’économie et la santé des communautés», a déclaré l’ancien gouverneur général David Johnson (2010-2017) lors d’une récente entrevue. «Et c’est pourquoi vous utilisez un prix du gouverneur général, comme les Prix Michener, pour célébrer l’excellence de la profession et vous vous en servez comme d’un phare pour encourager les Canadiens à chérir cette profession et à maintenir des standards encore plus élevés.»

Kim Kierans travaille présentement à la rédaction de l’histoire des Prix Michener.