À la mémoire de John Honderich

Kim Kierans
7 février, 2022
Un homme avec une chemise jaune et un noeud papillon bleu.
John Honderich dans son bureau à Toronto, le 26 février 2009. (Aaron Harris/Toronto Star)

Le Canada vient de perdre l’un de ses plus ardents défenseurs de l’excellence journalistique. John Honderich, ancien éditeur et rédacteur en chef du Toronto Star, est décédé le samedi 5 février. John était plus grand que nature, tant par sa stature que par ses aspirations pour le Star et ses journalistes.

Sous la gouverne de John, le Star a remporté 4 Prix Michener et 21 mentions d’excellence pour avoir signé des reportages qui ont amélioré la vie des gens et entraîné des changements touchant les politiques publiques. Dans une entrevue accordée en octobre 2019, John avait décrit le Prix Michener comme « son propre Oscar journalistique », qualifiant de décevante sur le plan journalistique, une année où le Star n’était pas en nomination.

« Le Prix Michener est la plus importante distinction journalistique au pays, il est donc tout naturel de vouloir récolter cette nomination, avait indiqué M. Honderich. L’intention est de faire du journalisme d’enquête d’exception, au service de l’intérêt public, dans l’objectif d’informer votre lectorat et d’assumer votre responsabilité ».

Il a siégé au conseil de la Fondation des Prix Michener pendant 26 ans.

La couverture des frasques du maire de Toronto Rob Ford en 2013 et l’enquête sur la race et la criminalité de 2002 sont deux reportages d’envergure récompensés par des Prix Michener dont John aimait particulièrement parler.

Le travail du journaliste Jim Rankin « a porté un coup dur à ceux qui niaient l’existence du profilage racial, avait déclaré Honderich. Au lendemain de ces révélations, aucun corps policier ni individu ne pouvait prétendre que le profilage racial n’existait pas, parce que les données complètes étaient accessibles. Ce fut une victoire incroyable ».

Après le revers du Star au Concours canadien de journalisme, l’obtention du Prix Michener récompensant la couverture de l’affaire Rob Ford fut un véritable triomphe. Lors de la cérémonie tenue dans la salle de bal à Rideau Hall, John, son attachant sourire aux lèvres, avait bondi de son siège, levé les bras et crié de joie à l’annonce du lauréat.

Le reportage sur Rob Ford « représentait probablement l’une des plus grandes menaces pour le quotidien, car l’administration Ford voulait appeler les annonceurs et les lecteurs à boycotter le journal, avait évoqué M. Honderich. La corruption morale et les problèmes de comportement étaient toutefois si inacceptables et flagrants qu’il aurait été terrible de passer cette affaire sous silence. » La couverture du Star a contribué au départ de Rob Ford et à la mise en place d’un nouveau conseil municipal à Toronto.

John exprimait parfois sa désillusion à l’égard de l’avenir du journalisme au Canada, mais ses réflexions étaient malgré tout toujours teintées d’un certain optimisme. « Le journalisme de qualité sera toujours indispensable. C’est la manière de le faire qui changera incontestablement. »

John me manquera, au même titre que son large sourire, son rire franc, son nœud papillon caractéristique, ses conseils aussi pertinents qu’exigeants, et ses encouragements.

Kim Kierans est membre du conseil d’administration de la Fondation des Prix Michener. Elle travaille présentement à la rédaction de l’histoire des Prix Michener et du journalisme d’enquête au service de l’intérêt public.