La Fondation des Prix Michener a annoncé aujourd’hui les finalistes du Prix Michener 2022 pour le journalisme d’intérêt public : CBC News Saskatchewan, le Eastern Graphic, le Toronto Star, Radio-Canada et le Globe and Mail.

« Ces finalistes aux Prix Michener peuvent et doivent être fiers. Encore une fois cette année, ils illustrent, souvent en défendant les intérêts des plus vulnérables, l’impact profond et positif qu’a le journalisme de qualité au Canada », a déclaré le président de la Fondation Michener, Pierre-Paul Noreau.

Établi en 1971, le Prix Michener célèbre l’excellence pour ce qui est du journalisme axé sur l’intérêt public. Pour prendre ses décisions, le jury évalue surtout les retombées positives pour la population des dossiers présentés par les médias écrits, électroniques et en ligne.

La présidente du jury, Margo Goodhand, a signalé l’exceptionnelle qualité des dossiers présentés cette année; le jury a été très impressionné par les reportages proposés par les salles de presse canadiennes.

Voici les finalistes du Prix Michener 2022 :

CBC Saskatchewan : Disputed History (Histoire contestée)

Pendant plus de trois décennies, la renommée universitaire et ex-juge Mary Ellen Turpel‑Lafond s’est construite une prestigieuse carrière tout en brandissant son statut d’Indienne des traités d’ascendance crie. Forte d’une carrière très réussie et reconnue comme une membre des Premières Nations, elle affirme être née et avoir grandi dans une famille dysfonctionnelle et abusive sur une réserve du Manitoba. L’enquête fouillée du reporter de la CBC Geoff Leo jette le doute sur cette ascendance et sur plusieurs des prétendues réalisations de Mme Turpel-Lafond. La CBC a découvert que ses parents étaient Européens et qu’elle avait grandi à Niagara Falls, en Ontario, et non sur une réserve du Nord. Le journaliste a en outre trouvé de multiples inexactitudes dans son cursus. Sarah Eaton, éminente spécialiste de l’intégrité universitaire, qualifie cette série d’anomalies de « moment de vérité pour l’éducation supérieure canadienne », étant donné que les 11 universités qui ont remis un doctorat honorifique à Mme Turpel-Lafond se sont engagées à vérifier son statut. Trois établissements ont déjà révoqué les diplômes honorifiques qu’ils lui avaient été accordés, et elle-même a, jusqu’ici, retourné volontairement les diplômes que deux établissements postsecondaires de la Colombie-Britannique lui avaient attribués. « Je ne serais pas surprise de voir toutes les universités canadiennes qui remettent des diplômes honorifiques entamer, à la lumière du reportage de M. Leo sur ce cas, un examen rigoureux de leur processus de sélection des candidats », conclut Mme Eaton. À la suite de cette histoire, l’Indigenous Women’s Collective a demandé à la gouverneure générale de révoquer la nomination de Mme Turpel-Lafond à l’Ordre du Canada faite en 2021.

The Globe and Mail : Hockey Canada’s Secret Funds (Les fonds secrets de Hockey Canada)

Le hockey est dans notre ADN national, ce sport stimule notre fierté, suscite de mémorables moments d’endurance et de finesse et nous apporte gloire à l’international. Ses vedettes atteignent un statut mythique au panthéon des héros locaux. Donc quand TSN a révélé que Hockey Canada avait discrètement réglé une poursuite intentée par une femme qui prétendait avoir été agressée sexuellement par des membres de l’équipe canadienne médaillée d’or au championnat mondial de hockey junior 2018, toute la nation a sursauté. Le Globe and Mail a alors lancé sa propre enquête et a « suivi l’argent ». Le premier de ces coups de tonnerre a montré que Hockey Canada avait employé en secret les frais d’inscription – demandés aux parents canadiens depuis des dizaines d’années – pour régler à coup de millions de dollars des plaintes pour agression sexuelle, sans jamais divulguer aux parents ou aux joueurs à quoi servait leur argent. Cette pratique a permis de systématiquement cacher au public pendant des décennies des allégations de viol. Pendant que Hockey Canada utilisait des tactiques d’obstruction et usait de tromperie pour protéger son système de gestion et ses finances, le Globe continuait ses reportages, influençant grandement la suite des choses : enquête recentrée, départ du PDG de Hockey Canada et démission de tous les membres de son conseil d’administration, relance d’une enquête policière embourbée et, finalement, restructuration de Hockey Canada. Une histoire qui, somme toute, ne concerne pas en soi le hockey, mais plutôt la façon de « jouer le jeu ».

Eastern Graphic : Through the Cracks (Entre les mailles du filet)

Une petite entreprise de presse s’attelle à un énorme problème social, et toute la province est subjuguée. Le Eastern Graphic a voulu comprendre la crise de santé publique qui frappe l’Île-du-Prince-Édouard en parlant avec ses principales victimes, les personnes qui vivent de graves dépendances, des problèmes de santé mentale et l’itinérance, ainsi qu’avec celles qui les aident. Le journal a alors découvert que les services offerts à ces insulaires extrêmement vulnérables étaient sous-financés et dysfonctionnels. Cette enquête ambitieuse a pris toute une année à mener, mais ses effets ont été immédiatement ressentis, et jusqu’aux plus hautes instances : quelques heures après la publication du premier reportage de la série, le premier ministre provincial annonçait au parlement que le gouvernement réparerait son système déficient de traitement des dépendances à l’alcool et aux opioïdes. Peu après, l’Île-du-Prince-Édouard devenait la première province canadienne à payer totalement ce traitement. Le premier ministre Dennis King a déclaré que, sans les reportages du Eastern Graphic, ce progrès aurait pu ne jamais survenir. La série d’histoires a aussi accéléré l’ouverture d’un refuge d’urgence pour les sans-abri. Et on a pu voir, et c’est remarquable, le ministre provincial de la Justice s’asseoir dans un cercle de discussion avec un homme Mi’kmaq qui s’est débattu toute sa vie avec la schizophrénie, la violence et les dépendances. Le Eastern Graphic avait aussi rapporté que l’homme en question avait été emprisonné à tort. Le ministre a écouté ce dernier, et ensuite, dans un geste sans précédent dans l’histoire de I’Île, lui a présenté ses excuses.

The Globe and Mail : Who failed Traevon? (Qui a manqué à son devoir envers Traevon?)

« Mort pendant sa prise en charge. » Voilà une phrase qui traduit l’ineptie d’un système censé offrir un endroit sûr pour les jeunes vulnérables. Traevon Desjarlais-Chalifoux s’est suicidé à 17 ans, pendant qu’il était pris en charge. On l’a retrouvé mort dans le placard de sa chambre dans l’établissement pour Autochtones où il vivait depuis neuf mois. Mais le personnel n’avait pas trouvé son corps ni vu les notes laissées près de son lit à propos de son suicide. Émue par l’histoire de Traevon, la journaliste Nancy Macdonald a entamé une enquête-reportage digne d’une classe de maître, tentant pendant des semaines de découvrir ce qui avait pu si mal fonctionner pour l’adolescent. Ses recherches ont révélé une affligeante suite de défaillances, allant de la sous-qualification des travailleurs à la négligence de l’organisme supposé prendre soin de Traevon et d’autres jeunes autochtones traumatisés, en passant par le manque d’encadrement de la part du gouvernement de la Colombie-Britannique. L’enquête publique sur la mort de Traevon a été déclenchée moins d’une semaine après la publication du reportage en question en 2022. Traevon était décédé en 2020. Pour répondre à l’une des nombreuses recommandations inscrites dans le rapport de l’enquête publique, le premier ministre David Eby a annoncé que son gouvernement fermerait les maisons de groupe du système de foyers d’accueil. Dans son travail tenace et sensible de reportage, Nancy Macdonald a exposé les failles mortelles d’un système qui a échoué à protéger Traevon Desjarlais-Chalifoux.

Radio-Canada : Arsenic, cachotteries et santé : la saga de la Fonderie Horne

Au printemps 2022, Radio-Canada a publié une suite de révélations sur la seule fonderie de cuivre au Canada, située à Rouyn-Noranda. Dans un premier temps, Radio-Canada a signalé que le pourcentage de résidents souffrant du cancer du poumon est 50 % plus élevé à Rouyn-Noranda qu’ailleurs au Québec. Dans un deuxième temps, elle a révélé que la province avait caché cette information. Les cheminées de la Fonderie Horne, propriété de la multinationale suisse Glencore, relâchent annuellement des dizaines de tonnes de substances cancérogènes connues d’une concentration trente fois supérieure à la norme maximale permise dans l’impunité la plus totale, grâce à l’autorisation spéciale délivrée par la province. En juillet et en août 2022, en s’appuyant à la fois sur des documents publics et confidentiels, Radio-Canada a divulgué que les réacteurs de la fonderie étaient alimentés par des centaines de milliers de tonnes de déchets industriels – provenant d’aussi loin que la Russie, le Brésil ou l’Asie – dont la fusion libère quotidiennement quatre tonnes de métaux et de particules dans l’atmosphère, contaminant l’air et le sol dans un rayon de 50 kilomètres. Cette série de nouvelles a incité le Québec à déclencher des audiences publiques, à diminuer les seuils d’émission d’arsenic et à forcer la multinationale à décontaminer les terrains avoisinants. En début d’année 2023, Glencore a annoncé un investissement de 500 millions de dollars pour moderniser la fonderie et l’élaboration d’un plan de réimplantation pour tout un quartier coincé dans l’ombre de ses cheminées.

Toronto Star : Unchartered (Cas de Charte non signalé)

Au Canada, lorsque des juges doivent exclure des éléments de preuve fondamentaux ou lever des accusations parce que les droits de la personne accusée ont été bafoués par des membres des corps policiers, comment les corps policiers sont-ils tenus imputables? Tirent-ils des leçons de leurs erreurs ? Une enquête du Toronto Star révèle une dérangeante vérité : bien souvent, non. La série Unchartered dénonce la croissance des atteintes graves par les forces policières des droits garantis par la Charte, ainsi que les défaillances systémiques qui entretiennent l’absence d’imputabilité. Grâce à leur travail rigoureux, Rachel Mendleson du Toronto Star et Steve Buist du Hamilton Spectator ont pu créer une base de données contenant 600 cas graves de violation de la Charte survenus au cours de la dernière décennie. Les deux journalistes ont mis au jour une bonne centaine d’incidents d’inconduite policière cités par des juges, notamment pour des fouilles corporelles illégales et le traitement dégradant de détenus, mais demeurés inconnus des services policiers auxquels appartiennent les contrevenants. Le Toronto Star a révélé l’absence d’un processus formel dans la majorité des provinces et des territoires pour informer les services policiers, ou au moins le policier concerné, lorsqu’une violation de la Charte entraîne la réduction d’une peine, l’exclusion d’éléments de preuve clés, voire le rejet des accusations par les tribunaux. Ce reportage a forcé les corps policiers de Toronto jusqu’en Saskatchewan à lancer des enquêtes sur l’inconduite policière dans leurs rangs, et à revoir leurs politiques afin que leurs membres soient informés des conséquences de ces violations sur les décisions de la cour.

La semaine dernière, la Fondation des Prix Michener a annoncé les gagnants de ses bourses pour l’année 2023 : la Bourse Michener-Deacon a été décernée à Molly Thomas pour son projet d’enquête sur l’Afghanistan ; et la Bourse Michener – L. Richard O’Hagan est attribuée à Sarah Trick et Alanna King pour l’élaboration d’un nouveau guide de rédaction sur la couverture médiatique des personnes vivant avec un handicap.

Traditionnellement, l’hommage aux finalistes et au gagnant du Prix Michener et aux lauréats des Bourses Michener a lieu lors d’une cérémonie annuelle tenue à Rideau Hall et présidée par le gouverneur général du Canada. Cette cérémonie se termine par le dévoilement média remportant le prestigieux Prix Michener, qui récompense l’excellence en journalisme au service de l’intérêt public au Canada. 

Après deux années de cérémonie virtuelle en raison de la pandémie, la cérémonie de cette année sera tenue en personne à Rideau Hall le 16 juin 2023 (la date peut être modifiée selon les responsabilités spéciales de la gouverneure générale). Son Excellence la très honorable Mary Simon, gouverneure générale du Canada, présidera cet événement qui saluera les finalistes et les gagnants du Prix Michener pour les éditions 2021 et 2022, ainsi que les lauréats des bourses de 2022 et 2023.

Les finalistes du Prix Michener 2021 ainsi que leur reportage, annoncés l’automne dernier, sont : Global News, l’inconduite sexuelle au sein de l’armée canadienne; Kamloops This Week, les dépenses municipales; CBC Saskatoon et le Globe and Mail, les pensionnats autochtones; CBC News, Peter Nygard; le Globe and Mail, les troubles alimentaires dans le sport amateur; CBC Saskatchewan, la fraude à l’identité autochtone dans le milieu universitaire.

Les juges du Prix Michener 2022 :

·       Margo Goodhand, présidente du jury, ex-rédactrice en chef du Winnipeg Free Press et du Edmonton Journal

·       Guy Gendron, ex-ombudsman de Radio-Canada

·       Sally Reardon, ex-directrice de l’information à CBC-TV

·       Katherine Sedgwick, professeure de journalisme au Collège Loyalist et ex-éditrice adjointe à The Montreal Gazette

·       Jim Compton, producteur à Rising Day Media, anciennement à CHUM-TV et APTN

·       Mary McGuire, professeure à la retraite de journalisme à l’Université Carleton

Les Prix Michener

Le Prix Michener et les Bourses Michener font l’éloge et la promotion de l’excellence en matière de journalisme d’intérêt public au Canada. Le Prix Michener, créé en 1971 par le très honorable et regretté Roland Michener, gouverneur général du Canada de 1967 à 1974, est la plus haute distinction journalistique au pays. Le conseil d’administration bénévole de la Fondation des Prix Michener administre le Prix, en partenariat avec la Fondation Rideau Hall et grâce au soutien de ses commanditaires. Pour plus de renseignements, consultez le www.prixmichener.ca.

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